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Septembre 2016, la téléconsultation1 fait son apparition pour la première fois en France, dans un petit village du Haut-Rhin. Ce projet de cabinet 100% digital répond à une problématique de plus en plus répandue aujourd’hui : la désertification médicale.  Face à ce fléau, la consultation médicale à distance semble être un allié de taille dans la relation médecin2 ­– patient ; un réel enjeu également pour le gouvernement français.

L’arrivée de l’épidémie de Covid-19 en France a fait de cette hypothèse une vérité. La crise sanitaire a fait décoller en flèche les chiffres relatifs à la téléconsultation puisqu’on note une augmentation de 35 % de cette pratique lors de l’épisode pandémique, soit plus de 5,5 millions de français qui ont téléconsulté un professionnel de santé. Bien plus qu’une alternative lors de cette période difficile, la téléconsultation a été un réel soutien de gestion de la crise : diminution des flux de soins ou encore réduction d’engorgement des salles d’attente et des risques de contaminations. Les bonnes retombées économiques et sociales ont même amené le gouvernement à intégrer à la loi de financement de la sécurité sociale 20213, une mesure accordant le remboursement à 100% – et ce jusqu’au mois de décembre 2022 – de la consultation à distance. Dès lors, la téléconsultation, véritable messie de la médecine de demain ou parfaite illusion ?

La téléconsultation : une pratique qui réoriente l’activité libérale

En juillet 2019, le programme « Ma santé 2022, un engagement collectif »4 remodèle le secteur de la santé. Cette politique a pour but de rapprocher les professionnels de santé et les patients ainsi que faciliter le suivi de ces derniers via des avancées numériques. Dès lors, un nouvel écosystème, tourné vers l’e-santé, voit le jour  en France  à l’aube de la pandémie.

C’est d’ailleurs lors de ce sombre moment que l’on constate un fort déploiement des solutions de téléconsultations sur le territoire. En effet, cette pratique apparaît alors comme la solution miracle pour désemplir salles d’attente et hôpitaux. Le pic de l’épidémie a fait exploser l’utilisation de cette pratique puisque le million de téléconsultations a été atteint en seulement une semaine5. Ainsi, même si la téléconsultation a révolutionné la relation médecin-patient en la rendant plus immédiate et efficace en période de Covid-19, cette pratique n’était-elle qu’un palliatif à la crise ou est-ce une alternative qui tend à se pérenniser ?

Au fil de son utilisation, la téléconsultation a mis en lumière de nombreux avantages économiques et sociétaux pour les professionnels de santé et pour les patients. Si auparavant la consultation s’effectuait directement au cabinet du médecin ou bien au domicile des patients,  dorénavant ces derniers choisissent leur lieu de consultation (dans la voiture, dans la rue ou même dans un pays étranger). Cette réduction de contraintes pour le patient, oblige le médecin à réinventer sa manière d’exercer son activité.

Car oui, cette pratique révolutionne l’exercice de la médecine puisque le professionnel propose une offre élargie de ses activités en s’appuyant sur l’outil digital. Le médecin offre à sa patientèle des services complémentaires à haute plus-value mais surtout la téléconsultation lui permet de gagner du temps. En effet, lors des renouvellements de traitements médicamenteux – dans le cadre d’une pathologie chronique par exemple –, des exercices thérapeutiques ou des suivis pré/post-opératoire, la visite médicale à distance est pertinente dans la mesure où l’auscultation n’est pas essentielle. Un meilleur suivi des patients et une meilleure organisation de l’agenda médical, voici ce qu’offre une telle pratique pour les professionnels de santé.

Cependant, certains professionnels de santé, fervents défenseurs du contact humain et du relationnel, restent réfractaires à cette activité. En effet,  téléconsulter un patient, pour ces professionnels ayant étudié le corps humain pendant de nombreuses années – 9 au minimum – peut s’avérer frustrant dans la mesure où le polyptyque du rendez-vous médical est réduit à l’inspection6.

Une solution durable pour lutter contre le phénomène de désertification médicale.

Un français sur dix7 habite dans un désert médical en 2019, une tendance en constante hausse qui persiste depuis plusieurs années et ce, malgré une croissance du nombre de médecins formés. Comment ce déséquilibre est-il possible ? Face à une population qui croît de plus en plus, une espérance de vie qui se rallonge et le développement de nouvelles maladies chroniques,  la demande de soins s’envole tandis que le temps médical disponible se réduit. De plus, une nouvelle vague de jeunes médecins est réfractaire à travailler dans des zones rurales, peu attirantes par manque d’attractivité car privées des commerces de proximité.

Parce que l’absence de médecin en zone rurale rime avec une mauvaise observance des patients voire un renoncement aux soins par soucis de déplacement, le développement de la téléconsultation se présente comme le système d’irrigation des déserts médicaux. Même si cette dernière n’a pas pour vocation de remplacer la consultation en présentiel, elle vient pertinemment la compléter pour répondre efficacement aux défis de la médecine de demain.

Cependant, même si la téléconsultation est une alternative intéressante aux déserts médicaux, il n’en demeure pas moins que d’autres éléments sont à prendre en compte : le désert numérique8 couplé aux difficultés d’usage du digital…

La téléconsultation : une procédure qui doit être encadrée

Un besoin d’encadrement des patients pour éviter les mauvaises conduites

Rien ne remplace un examen médical9. C’est pourquoi, la téléconsultation se place comme une consultation uniquement proposée par les médecins face à des maux bénins du quotidien liés – le plus souvent – à des pathologies chroniques. En effet, par écran interposé, l’évaluation du risque peut être biaisée et l’erreur médicale est très vite arrivée. Cependant, depuis le remboursement à 100% de la téléconsultation, un risque de consommation excessive de soins de la part des patients se développe. Ainsi, il est nécessaire que les professionnels de santé questionnent ces derniers – via la secrétaire au préalable – pour s’assurer de la nécessité d’une visite à distance ou au cabinet.

En outre, la pratique de la téléconsultation repose beaucoup sur la confiance que le médecin possède envers sa patientèle dans la mesure où le degré de gravité est évalué par le patient lui-même. Et c’est à ce moment précis que les mauvaises conduites peuvent survenir; certains patients vont consulter pour un simple bouton tandis que d’autres ne vont pas consulter alors qu’ils développent une pathologie plus grave…

Fuite des données, qui est responsable ?

Dans le cadre de la téléconsultation, la confidentialité des données doit être assurée. Cette pratique utilise les données personnelles, ce qui implique, dès lors, une protection accrue de ces dernières dans le cadre du RGPD. Selon ce règlement, les « données concernant la santé » sont des « données à caractère personnel relatives à la santé (…), qui révèlent des informations sur l’état de santé de cette personne10 ». C’est pourquoi le responsable du traitement des données doit garantir que ces dernières soient préservées d’une tierce utilisation ou divulgation, qu’elles correspondent aux exigences de sécurité et qu’elles soient stockées chez un hébergeur de données de santé certifié11.

Ici, c’est donc le médecin qui est tenu responsable de traitement lorsqu’il réalise une téléconsultation. Il a l’obligation de s’assurer que le fournisseur de solutions techniques respecte les exigences relatives de protection des données et  soit conforme au RGPD. Aussi, lors d’une téléconsultation, le médecin doit prendre des précautions envers sa patientèle afin d’être conforme aux règles en vigueur. Celui-ci doit informer chaque patient des modalités techniques, s’assurer du consentement de ce dernier et veiller à la sécurisation des moyens utilisés par la transmission vidéo12.

La téléconsultation s’installe comme l’alternative santé de demain pour des territoires frappés par le fardeau de la désertification médicale. Or, cette solution se doit d’être utilisée à bon escient – pour l’optimiser il serait pertinent d’avoir recours à des e-assistant ou e-infirmière avec des appareils médicaux pour accompagner le patient – et bien encadrée cette pratique pour qu’elle puisse s’imbriquer dans le paysage médical de demain.

(1) Consultation à distance qui s’appuie sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication
(2) La mention « médecin » inclut les médecins généralistes et les médecins spécialistes
(3) LFSS n° 2020-1576 du 14 décembre 2020
(4) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019
(5) Lors de la semaine du 30 mars, article Sanofi, Comment la crise du coronavirus booste la téléconsultation médicale.
(6) L’étape de l’inspection fait référence à l’observation du patient par le professionnel de santé.
(7) Selon une étude effectuée par le journal 20 Minutes et l’AFP.
(8) Selon Les Echos « un désert numérique est une « zone blanche » où la connexion aux réseaux de téléphonie est limitée, hésitante voire inexistante et l’accès à internet est difficile ».
(9) Un examen médical se compose de l’inspection, de la palpation, de la percussion et de l’auscultation.
(10) Selon village de la justice, Téléconsultations, Covid-19 et protection des données de santé.
(11) Selon la procédure prévue au décret n° 2018-137 du 26 février 2018.
(12) Selon le Conseil National de l’Ordre des médecins.